Les meilleurs nageurs étaient à Saint-Nazaire le week-end dernier lors des championnats de France 25 m. Ugo Didier, 2e l’an dernier en toute catégorie, s’est imposé devant Alex Portal et Claire Supiot. Les jeunes ont aussi apporté des motifs de satisfaction.
Quel est votre sentiment général sur ce week-end de championnats de France ?
Sami El Gueddari, directeur sportif de la natation. De la satisfaction. Ce championnat a tenu toutes ses promesses avec une adversité relevée et une incertitude totale quant au résultat final. Le podium est d’ailleurs singulièrement différent par rapport à la saison dernière. Les sportifs se sont engagés pleinement sur toutes les épreuves parce qu’ils savaient que ça se joue à rien. Six nageurs se tiennent en une cinquantaine de points sur les six premières places. Cela signifie que ça s’est joué à moins d’une seconde sur chaque course… Cela traduit bien l’importance de chaque dixième. C’est ce qui fait la beauté de cette formule. Chaque nageur est obligé de se dépasser, même sur les courses qui ne sont pas sa spécialité. Et l’incertitude créée cette émulation. C’est important d’avoir la chance d’organiser, en France, des compétitions où les nageurs retrouvent l’adversité à laquelle ils sont confrontés sur la scène internationale. On mesure cela à la joie éprouvée par Claire Supiot qui obtient une belle 3e place au classement Toute catégorie malgré une grippe tenace.
Les nageurs de l’équipe de France ont semblé dans de bonnes dispositions ?
Les sportifs « élite » ont présenté un état de forme encourageant. Une grande majorité de l’équipe de France a amélioré ses temps sur ce championnat. On a vu des performances de très haut niveau lors de ce championnat de France 25m.
Difficile de citer l’ensemble des performances marquantes de ce week-end. Je retiens sans être exhaustif que le 100 m nage libre d’Alex Portal S13 en 52’’79, le 100 m dos de Florent Marais S10 en 59’’14. Ugo Didier, le vainqueur toutes catégorie a signé un beau 200 m 4 SM9 nages 2’18’’23 et un 100 m nage libre S9 56’’32 très intéressant. Anaëlle Roulet et Emeline Pierre, elles, nagent respectivement en 1’09’’21 et en 1’09’’22 au 100 dos S10…Ce fut une succession de belles performances et de belles surprises lors de ce weekend.
D’autant que ces Championnats arrivaient après des mondiaux tardifs….
En effet, nous avons eu les championnats du monde assez tardivement (jusqu’à mi-septembre). Pour les nageurs engagés sur ces Mondiaux, ces championnats de France arrivaient relativement vite. On n’a pas été déçu de leur état de forme. Certains, malgré tout, comme Laurent Chardard, ont été un peu en retrait. Il a connu une compétition un peu plus difficile mais cela lui a permis de prendre la mesure de la nécessité de ne jamais relâcher les efforts. Il ne faut pas se perdre en route parce que les Jeux vont réunir des athlètes qui ne cessent de progresser et de se challenger. Mais je ne doute pas qu’il aura à cœur de remettre le bleu de chauffe pour effacer ces 50 m papillon et 50 m nage libre qui étaient un peu en deçà de ce qu’il est capable de produire.
C’est aussi tout l’intérêt de ce championnat de France … qui permet de donner des indications sur l’état de forme général ?
Le championnat de France 25m, surtout celui-ci où on est sur la polyvalence, permet de faire un état des lieux des forces en présence. Cela permet de donner de vrais indicateurs sur le bloc de travail réalisé lors du premier trimestre. De voir si on est dans le vrai, si les sensations sont bonnes, si le volume est approprié. C’est donc un bon feed-back. De plus ce championnat est idéalement positionné car il reste encore suffisamment de temps pour changer certains aspects et rectifier la mire si nécessaire.
La formule de ce championnat de France a aussi un vrai intérêt pour le public. On a vécu une belle fête de la natation, les gradins ont même parfois semblé trop petits ?
Ce championnat a été créé pour cultiver la capacité des sportifs à se transcender et renforcer l’incertitude. Les coaches sont en train de s’approprier cette compétitions multi-nages et multi-épreuves. On voit des progrès sur l’ensemble des épreuves. L’incertitude rend la compétition palpitante et crée un réel engouement pour le public qui encourage, supporte et apprécie de voir des performances de choix. La piscine fut en effet comble et on peut s’en réjouir.
Cela pourrait vous inciter à choisir des bassins plus grands à l’avenir ?
Le cadre était exigu mais c’était parfait parce que nous sommes sur des volumes plus ténus que dans le monde olympique. Les gradins étaient donc pleins, il y avait de l’ambiance et on a assisté à une belle fête de la natation où les conditions étaient opportunes pour la performance.
Vous avez annoncé la sélection des 6 jeunes qui seront du déplacement à la Coupe du monde de Lignano (24 février – 1er mars). C’était aussi l’intérêt de ce rendez-vous national ?
Ce championnat de France en 25 m a aussi pour vocation de faire émerger la relève. C’est l’un de nos axes prioritaires. Même si on pense aussi à Tokyo 2020, il faut déjà se projeter sur l’après et avoir un coup d’avance dans l’optique de la préparation de Paris 2024.
On n’a pas de compétition de référence jeune internationale cette année (pas de Jeux Européens de la Jeunesse, pas de Championnats d’Europe ou du monde juniors…). On a donc ciblé la coupe du monde à Lignano en Italie comme compétition de référence de l’équipe de France espoir.
L’objectif étant pour ces jeunes nageurs de découvrir, de se confronter en étant performant et ainsi leur permettre d’emmagasiner de l’expérience sur la scène internationale. Lors de cette coupe du monde, les finales par catégorie d’âge vont permettre ainsi aux jeunes de se situer sur l’échiquier international.
Pourquoi étiez-vous dans l’expectative concernant ces jeunes ?
On a une génération 12-14 ans mais elle devait nous montrer qu’elle était en mesure de franchir un palier. Des sportifs se sont montrés lors de ce championnat. On a eu de belles surprises, à l’image des performances d’Agathe Pauli, 16 ans. On la suivait depuis près de quatre ans. Elle a participé trois fois au JAP National. Elle a du talent mais n’avait pas encore passé le cap. Elle l’a passé en intégrant en septembre le Centre Fédéral handisport à Talence. On a ressenti, dans l’eau, les bienfaits de passer à 8 séances d’entraînement par semaine et à une préparation physique soutenue. Elle a été transformée. En juniors, elle fait podium derrière Théo Curin (2e) et Florent Marais. Ce n’est pas neutre. Elle montre qu’il va falloir compter sur elle. Tout comme Hector Denayer, lui aussi arrivé au CFH cette année. Il a connu une énorme mutation.
Ils sont en train de s’approprier les codes en phase avec les exigences du très haut niveau toujours plus élevées (travail, rigueur, dépassement de soi…). J’ai aussi une pensée pour Kylian Portal, 13 ans. Il a rejoint le CNO Saint-Germain-en-Laye, le club de son frère (Alex), cette saison. Et ça se voit. Il est passé à six séances par semaine. On observe immédiatement des transformations. On voit un autre Kylian Portal. Cela a été très serré pour entrer dans ce top 6. Il faut que ça continue ainsi. Les poursuivants directs doivent redoubler d’efforts pour bousculer cette hiérarchie. On en a six aujourd’hui, mais il faut qu’ils soient 10 à 12, voire plus à se challenger et prétendre à cette sélection.
Cette Coupe du monde va-t-elle aussi permettre à certains, notamment aux jeunes, d’être classifiés ?
L’idée de sortir à l’international est de classifier ces jeunes assez tôt. Cela permet d’avoir une vision la plus claire possible de leur catégorie. À Lignano, ce sera un peu particulier. Il y a une classification internationale d’organisée. Mais comme nous sommes sur une année paralympique et que le système a évolué en 2018, la priorité est donnée par l’I.P.C aux sportifs pouvant prétendre à une qualification pour les Jeux paralympiques. Aujourd’hui, on sait que nous n’aurons pas autant de quotas de classification que ce que nous avons espéré et sollicité auprès de l’IPC. Seule une partie de ce collectif-là pourra être observé à Lignano. Dès l’an prochain la réalité des quotas de classification sera transformée puisque nous ne serons plus sur une année paralympique. Lors de la compétition ciblée pour les jeunes en 2021, nous aurons à nouveau plus de largesse.
Beaucoup des nageurs élite ont ciblé les championnats d’Europe de Funchal pour établir les minima dans l’optique des Jeux de Tokyo. Allez-vous donc emmener un collectif resserré au Portugal en mai ?
On a posé le cadre des sélections, avec Guillaume Domingo, dès que nous avons pris en charge la commission. Quand bien même les championnats d’Europe sont programmés sur une année paralympique, nous avons maintenu exactement les mêmes règles. Pour ces championnats d’Europe de Funchal, on va rester sur un minima A équivalent au Top 8 international sur la Ranking Internationale de 2016 et un minima B équivalent au Top 12 sur la Ranking internationale 2016. Ce n’est pas parce qu’un sportif ne peut pas prétendre aller aux Jeux Paralympiques qu’il ne mérite pas d’aller aux Championnats d’Europe. On aura à l’Euro, je l’espère, une grande majorité de l’équipe, qui prétendra aller à Tokyo mais on aura aussi des nageurs qui seront au début de leur carrière internationale. Nous n’allons pas nous limiter aux sportifs pouvant espérer aller aux Jeux paralympiques de Tokyo.
J.S.